ï»żdecombat, paroles d’un homme libre adressĂ©es au cƓur et Ă  la raison d’autres hommes libres. Le lecteur ne s’éton-nera donc pas si pour l’essentiel, comme prĂ©cĂ©demment, ce propos modeste est fait d’extraits de ses Ă©crits, prĂ©le-vĂ©s ici et lĂ , ne donnant qu’une idĂ©e bien fragmentaire d’une Ɠuvre inimitable.
1Au regard du nombre d’études portant sur les connecteurs, il est assez surprenant de constater que la locution prĂ©positive » [1] histoire de n’a non seulement jamais fait l’objet d’une Ă©tude particuliĂšre, mais, plus encore, est trĂšs souvent absente des diffĂ©rentes listes de connecteurs dit argumentatifs », que ces listes soient proposĂ©es dans les Ă©tudes sur la notion mĂȘme de connecteur, ou dans celles sur la locution prĂ©positive, ou encore dans celles sur la grammaticalisation. Ainsi, l’ouvrage rĂ©cent de Gross et Prandi 2004 dont un des nombreux mĂ©rites est de montrer la grande diversitĂ© des moyens d’expression de la finalitĂ©, ne recense pas ce connecteur, pourtant d’un emploi courant Ă  l’ article [2] propose donc un examen de histoire de tant au niveau de la caractĂ©risation de son statut catĂ©goriel – qui pose, comme nous le verrons, de multiples problĂšmes – qu’au niveau de son fonctionnement discursif. Pour ce dernier point, la base Frantext non catĂ©gorisĂ©e constitue un observatoire bien commode, qui permettra non seulement de dater les premiers emplois de la forme elle-mĂȘme, mais de repĂ©rer Ă©galement des formes sƓurs » par exemple l’histoire de rire, d’analyser les contextes Ă©nonciatifs, et enfin d’identifier les caractĂ©ristiques sĂ©mantiques des co-occurrences essentiellement le prĂ©dicat infinitival Ă  droite de l’expression. La nature de ces co-occurrences se rĂ©vĂ©lera fondamentale pour aborder l’interprĂ©tation du Statut Quelle dĂ©nomination pour quel statut ?3Histoire de est identifiĂ© comme locution prĂ©positive par la plupart des dictionnaires et les rares travaux de linguistique qui mentionnent ce connecteur par ex. MĂ©lis 2003. Apparemment, ce statut grammatical ne donne pas lieu Ă  dĂ©bat, si on suppose qu’une locution prĂ©positive se dĂ©finit intuitivement comme une suite de mots formant une unitĂ© qui remplit en tant que telle la fonction d’une prĂ©position MĂ©lis 2003, 109. On peut dans un premier temps considĂ©rer que histoire de est constituĂ© d’une suite polylexicale formant un tout enregistrĂ© comme tel dans les dictionnaires, composĂ©e du nominal histoire et de la prĂ©position de. La locution est donnĂ©e comme Ă©quivalent fonctionnel de pour par ex. Le Petit Robert – sans qu’il y ait nĂ©cessairement rĂ©ciprocitĂ©, mĂȘme si les exemples ci-dessus montrent une construction diffĂ©rente une construction liĂ©e » avec pour, une construction dĂ©tachĂ©e avec histoire de 1Nous irons au cirque pour nous changer les idĂ©es1’Nous irons au cirque, histoire de nous changer les idĂ©es4Dans ce qui suit, nous remettons en cause, pour deux raisons, le terme de locution prĂ©positive appliquĂ© comme dĂ©signateur de histoire premiĂšre raison a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e pour d’autres connecteurs ; par exemple Gross et Prandi 2004 Ă  propos de afin de et de afin que rappellent que la diffĂ©rence entre ces deux formes n’est pas imposĂ©e par une nature grammaticale distincte locution prĂ©positive et locution conjonctive, mais par une contrainte sĂ©mantico-grammaticale bien connue la corĂ©fĂ©rence ou non entre le sujet de la principale et celui de la subordonnĂ©e. De ce fait, il n’y a pas de diffĂ©rence de nature entre afin de et afin que. Le raisonnement vaut Ă©videmment pour histoire de et histoire que [3]. On perçoit donc une limite Ă  la terminologie classique qui, en s’appuyant sur des critĂšres morphologiques plutĂŽt que fonctionnels, oblitĂšre le fait que nous avons affaire Ă  un mĂȘme type qui se rĂ©alise de deux façons second point a trait Ă  l’élĂ©ment de » dans la composition histoire de. Nous considĂ©rons, au vu de la remarque prĂ©cĂ©dente, cet Ă©lĂ©ment comme un complĂ©menteur plutĂŽt que comme une prĂ©position pleine. Mais la question importante est de savoir si ce complĂ©menteur est vĂ©ritablement constitutif de la locution ; ou, dit autrement, si histoireet de forment bien un tout, une locution. Adler 2001 a attirĂ© l’attention sur ce problĂšme Ă  propos de locutions prĂ©positives » autres que histoire de, en s’appuyant sur une argumentation qui s’applique Ă©galement ici. Un certain nombre de tests simples appliquĂ©s Ă  Ă  cause de, au lieu de, en dĂ©pit de montrent que de ne peut vĂ©ritablement ĂȘtre considĂ©rĂ© comme faisant partie de ces locutions il est seulement sĂ©lectionnĂ©, de mĂȘme que les verbes transitifs indirects ou les adjectifs dits “transitifs” apte Ă , capable de sĂ©lectionnent leur prĂ©position, et Ă  travers elle, rĂ©gissent un complĂ©ment » Adler 2001, 162. Ainsi, la coordination ex. 2 et 2’, l’emploi d’une expression extraprĂ©dicative ex. 3 et 3’, ou encore l’alternance avec que selon la co-rĂ©fĂ©rence ou non entre les deux sujets.2Il a rĂ©ussi en dĂ©pit de sa maladie et de son Ă©tat moral ex. d’Adler2’Cette derniĂšre voiture s’arrĂȘta sur la route, Tron ayant accompagnĂ© l’autre jusqu’au parc, Ă  travers le chaume, sous le prĂ©texte de donner un coup de main histoire de flĂąner et de causer un instant. É. Zola, La Terre, 18873Il a rĂ©ussi en dĂ©pit, d’ailleurs / dit-il, de sa maladie. ex. d’Adler3’Cette derniĂšre voiture s’arrĂȘta sur la route, Tron ayant accompagnĂ© l’autre jusqu’au parc, Ă  travers le chaume, sous le prĂ©texte de donner un coup de main histoire, d’ailleurs / dit-il, de flĂąner et de causer un exemples ci-dessus indiquent que de » n’est pas soudĂ©, mais seulement gouvernĂ©. De lĂ , on ne peut le considĂ©rer raisonnablement comme Ă©lĂ©ment de la locution. Si la notion de locution peut rester pertinente pour en dĂ©pit, au lieu, etc., en raison de la premiĂšre prĂ©position qui, elle, reste soudĂ©e mais cette perspective n’est pas celle de Adler qui a une conception de la locution comme construction figĂ©e Ă  des degrĂ©s divers – l’auteur prĂ©fĂšre donc parler de prĂ©positions simples pour Ă  cause, au lieu, en dĂ©pit, elle n’est plus du tout pertinente pour histoire difficile, en effet, de considĂ©rer le morphĂšme histoire comme une voit bien le problĂšme terminologique que nous rencontrons d’une part, le terme de prĂ©position, ou mĂȘme l’adjectif prĂ©positive sont trop restrictifs dans la mesure oĂč, au regard de l’emploi conjonctif, on doit parler de rĂ©alisations diffĂ©rentes d’un mĂȘme type ; d’autre part, la notion de locution n’est plus pertinente. Nous parlerons donc simplement de connecteur, avec, Ă©videmment, les inconvĂ©nients bien connus d’un emploi trop FinalitĂ© ou causalitĂ© ?9Sans surprise, le discours lexicographique voit en histoire de [4] un introducteur de proposition finale. Mais l’idĂ©e de finalitĂ© inhĂ©rente Ă  histoire de semble insuffisante. Ainsi, le Dictionnaire du Français usuel de Picoche et Rolland, introduit la notion de justification 10Histoire de + verbe Ă  l’infinitif fam. explication donnĂ©e par A1 Ă  A2 pour justifier une action. J’ai agi ainsi, histoire de voir comment tu et justification sont des relations discursives relevant gĂ©nĂ©ralement de la cause ; par exemple, J. Hobbs 1990 fait de l’explication un cas de relation causale. Mais on peut trĂšs bien concevoir qu’une visĂ©e le procĂšs Y dans X, histoire de Y serve d’explication Ă  un acte X. Nous adopterons la catĂ©gorie aristotĂ©licienne [5] de cause finale pour caractĂ©riser la valeur de cohĂ©rence entre Y et X. En effet, comme nous l’avions montrĂ© dans Legallois 2006b, la valeur intentionnelle de X et la constitution de Y comme procĂšs Ă  rĂ©aliser cf. les formes infinitivales ou le subjonctif [6] doivent ĂȘtre compris selon le schĂ©ma tĂ©lĂ©ologique suivant L’intention de faire Y est Ă  l’origine de l’idĂ©e que Y est bien une motivation en mĂȘme temps que la cible de X. Ce schĂ©ma s’applique Ă©videmment Ă  d’autres connecteurs finaux, mais permet de prĂ©ciser le type de finalitĂ© dont il est question CaractĂ©ristiques13Si on considĂšre bien histoire de comme un mot grammatical, c’est en raison uniquement de son Ă©quivalence fonctionnelle avec les prĂ©positions pour recouvrement partiel, afin de, dans l’objectif de, dans le but de, dans l’intention de recouvrement total, et non pour son refus d’une modification adjectivale ou de la flexion du pluriel, puisque certains emplois nominaux observent la mĂȘme contrainte [7] ; par exemple 4Dans la * longue histoire, j’ai oubliĂ© mes clefs chez Jacques5C’est une * petite histoire de minutes14Mais histoire de est manifestement un hapax grammatical. Il est en effet peu envisageable de rapprocher sa forme d’une autre expression. Les prĂ©positions nominales, par exemple, ont un fonctionnement discursif diffĂ©rent [thĂ©matisation 6, caractĂ©risation 7] et sĂ©lectionnent un nom 6Question / point de vue / cĂŽtĂ© science-fiction, il en connaĂźt un rayon7Un film genre / style James Bond15Faute de + inf. possĂšde une forme proche dĂ©tachement et construction infinitive. NĂ©anmoins, la construction faute que + subj. ne semble pas recevable, et histoire de ne peut ĂȘtre suivi par un nom sauf l’exemple atypique de 9.16On pourrait Ă©galement comparer histoire de au connecteur crainte de / que il est composĂ© d’un Ă©lĂ©ment nominal sans dĂ©terminant, il gouverne une proposition, il est construit par dĂ©tachement. Mais quelques traits plus ou moins dĂ©cisifs l’en distinguent comme le remarquent Gross et Prandi 2004, crainte de est d’un emploi littĂ©raire, alors que histoire de est recensĂ© comme familier ; il y a effacement il s’agit en fait du cas le moins frĂ©quent d’une prĂ©position avant crainte de / que par crainte de / de crainte de ; histoire de ne peut ĂȘtre prĂ©cĂ©dĂ© d’une prĂ©position. De plus crainte de connaĂźt la concurrence de la locution apparentĂ©e dans la crainte de 8Les Français se sont dĂ©sistĂ©s, dans la crainte de dĂ©penses excĂ©dant leurs faibles revenus ex. de Gross et Prandi 2004,17Histoire de ne peut connaĂźtre une telle concurrence. Crainte de peut introduire un GN, ce qui n’est pas possible pour histoire de, exceptĂ© cet emploi particulier et unique Ă  notre connaissance relevĂ© par le TLF 9J’ai remis chez vous, en allant au chemin de fer, vos deux volumes non enveloppĂ©s, histoire de la grande prĂ©cipitation oĂč j’étais P. MĂ©rimĂ©e, Lettre Ă  une Inconnue, 1858, t. 2.18On peut considĂ©rer cet emploi purement causal comme un calque de faute de + N / crainte de + diffĂ©rence, morphologique celle-ci, crainte est un dĂ©verbal, ce qui n’est pas le cas d’histoire ; de plus, crainte reste sĂ©mantiquement transparent Gross et Prandi 2004 classent crainte de parmi les prĂ©dicats finaux de sentiment, alors que la signification de histoire est opaque dans cet concluons de ces observations rapides que histoire de constitue un hapax grammatical [8].2. Observation des occurrences dans la base Frantext21Nous avons procĂ©dĂ© au recensement exhaustif des 372 emplois du connecteur dans la base non catĂ©gorisĂ©e de Frantext. Ce recensement permet non seulement la datation des premiers emplois, mais Ă©galement de proposer quelques hypothĂšses sur la grammaticalisation du Datation des premiers emplois22La forme du premier emploi identifiĂ© est assez surprenante l’histoire de rire, 1831, avec donc une dĂ©termination ;10C’était, mon lieutenant, l’histoire de rire
 pour lors j’en arrĂȘte une par les cheveux et je l’embrasse
 E. Sue, Atar-Gull, 183123On trouve deux autres fois dans Frantext [9] cette mĂȘme forme Ă  la mĂȘme Ă©poque, dans le mĂȘme contexte des avances plus ou moins prononcĂ©es faites Ă  des femmes et dans la mĂȘme construction ; toujours chez Sue en 1843 11
si Alfred savait cela ?Ne m’en parlez pas, le sang me tourne rien que d’y songer. Alfred est jaloux comme un BĂ©douin ; et pourtant, de la part du pĂšre Joseph, c’est l’histoire de rire, en tout bien, tout honneur. E. Sue, Les MystĂšres de Paris, 184324Mais Ă©galement chez Sand 1844 12Ce baiser sur la main ne t’a pas offensĂ©e ?– Oh ! Je voyais bien que ce monsieur ne voulait pas m’offenser ; c’était l’histoire de rire. G. Sand, Jeanne, 184425On ne peut faire ici que des conjectures soit, il s’agit d’une modification idiosyncrasique du connecteur histoire de, et une remotivation du statut nominal de histoire. Cela dĂ©montrerait que histoire de est dĂ©jĂ  prĂ©sent dans le discours oral populaire avant 1830, sans ĂȘtre toutefois tout Ă  fait stabilisĂ©. Soit ces extraits tĂ©moignent d’une Ă©tape dans la grammaticalisation, la forme l’histoire de + infinitif dĂ©sormais disparue, dont nous n’avons que quelques attestations. Seul un examen plus prĂ©cis de la littĂ©rature populaire des annĂ©es 1820-1830 [10] pourrait ĂȘtre Ă©clairant, et permettrait d’argumenter en faveur de telle ou telle que la notion de grammaticalisation est, pour le cas de histoire de, sans doute mal appropriĂ©e puisqu’il est impossible d’observer avec certitude une forme libre constituant la base de cette autres occurrences, plus tardives, ont Ă©tĂ© repĂ©rĂ©es ; toujours dans le mĂȘme contexte 13ce n’est pas tant l’histoire de regarder les femmes. Chez nous autres, on peut ĂȘtre sauvĂ© malgrĂ© les femmes. Un rabbin peut avoir une femme. G. Duhamel, Le Jardin des bĂȘtes sauvages, 193428Ou dans un autre 14si le vent ne fraĂźchit pas trop, je viendrai peut-ĂȘtre vous rĂ©veiller cette nuit, pour l’histoire de rire, dit-elle. G. Bernanos, Un crime, 193529Ces emplois, certes trĂšs circonstanciĂ©s, pourraient avoir le mĂ©rite d’exhumer le passage d’une forme nominale figĂ©e Ă  la forme grammaticale, ainsi, d’ailleurs, que d’exhiber la tension entre les deux formes. L’exemple de Bernanos, difficile Ă  analyser en raison de son idiomaticitĂ©, semble ressusciter la prĂ©position causale pour, et plaiderait ainsi en faveur d’un effacement double prĂ©position et article dans le processus de grammaticalisation qui conserverait la trace de la causalitĂ©. Cependant, les exemples beaucoup plus anciens de Sue et Sand, donc plus prĂšs de l’origine du connecteur, ne sont pas construits avec pour. En fait, dans Legallois 2006b, nous avons montrĂ© que l’idĂ©e de causalitĂ©, mais aussi de finalitĂ©, est inhĂ©rente au morphĂšme histoire. Un double marquage apparaĂźt donc ailleurs, dans le roman de F. SouliĂ© Les MĂ©moires du diable 1837, on peut Ă©ventuellement miser sur un indice en faveur de l’apparition de la construction histoire de vers les annĂ©es 1820-1830 non seulement parce que le premier emploi sans dĂ©termination est identifiĂ© dans ce roman de 1837 ainsi que dans CĂ©sar Birotteau 1837 de Balzac, mais aussi parce qu’à plusieurs reprises, un personnage facĂ©tieux, prononce avant ses mĂ©faits, l’expression histoire de rire. Elle constitue, comme le prĂ©cise Ă  quatre reprises le narrateur, un infatigable refrain, un fameux mot qui devient diabolique 15ce mot rebutant qu’il jette comme moralitĂ© au bout de toutes ses actions ; ce mot histoire de rire ! est souvent aussi sombre que le mot du trappiste frĂšre, il faut mourir ! F. SouliĂ©, Les MĂ©moires du diable, 183731On peut penser que l’expressivitĂ© de ce mot » prononcĂ© aprĂšs que le personnage a produit des mauvaises actions, est redevable Ă  son emploi sarcastique et sardonique, mais Ă©galement Ă  sa rĂ©cence, Ă  un moment oĂč la grammaticalisation a certes opĂ©rĂ© mais oĂč la nouveautĂ© surprend encore. LĂ  encore, Ă©videmment, il s’agit d’une hypothĂšse de lecture. Nous notons encore l’usage unique dans ce roman, de la forme16Cependant toutes les farces de cet homme n’ont pas eu pour but une vengeance ; l’histoire de rire est le grand principe de ses tours. F. SouliĂ©, Les mĂ©moires du diable, 183732qui tĂ©moigne spectaculairement de la motivation nominale de la forme grammaticale. Le terme principe ici s’accorde bien avec l’idĂ©e relevĂ©e plus haut d’une cause premiĂšre, donc d’une cause Contextes Ă©nonciatifs33Tous les premiers emplois apparaissent dans du discours direct, et ont pour locuteurs des personnages du peuple » s’exprimant dans un français familier. Notons Ă©galement que ces occurrences se situent dans le roman populaire feuilletonesque Sue, SouliĂ©, ou bien dans le roman rĂ©aliste Balzac, et non dans la littĂ©rature romantique de la mĂȘme Ă©poque aucun emploi de histoire de chez Stendhal ou chez Hugo [11]. Tout cela atteste, s’il en est, du caractĂšre familier et oral de l’expression. Sauf erreur de notre part, le premier emploi identifiĂ© dans la narration avec un narrateur extradiĂ©gĂ©tique dans une narration sans je » – et non plus dans le discours direct – date de 1877, dans l’Assommoir de Zola Ă  sept reprises. Par exemple 17Le soir mĂȘme, le zingueur amena des camarades, un maçon, un menuisier, un peintre, de bons zigs qui feraient cette bricole-lĂ  aprĂšs leur journĂ©e, histoire de rendre service. É. Zola, L’Assommoir, 187734On constate que ces occurrences sont employĂ©es dans le discours indirect libre Dil. Le Dil, en plein essor Ă  cette Ă©poque, constitue, en ce qui concerne le texte Ă©crit, un procĂ©dĂ© puissant pour une promotion du connecteur il permet la transition d’un emploi oral, reprĂ©sentĂ© dans les dialogues, vers des emplois de plus en plus indĂ©pendants du dialogal d’abord dans le Dil, oĂč la voix Ă©nonciative est encore celle d’un personnage, puis dans la narration ou l’énonciateur est le narrateur extradiĂ©gĂ©tique. On peut penser que ce nouvel usage tĂ©moigne d’une diffusion massive et d’une bonne intĂ©gration du connecteur dans la deuxiĂšme moitiĂ© du XIXe dans les Ă©crits DĂ©tachement35Mis Ă  part quelques cas de ponctuation particuliĂšre et la structure clivĂ©e qui procĂšde par elle-mĂȘme Ă  une sorte de dĂ©tachement c’est histoire de rire, toutes les occurrences recensĂ©es se manifestent dans des constructions dĂ©tachĂ©es [12]. Le dĂ©tachement est le plus souvent matĂ©rialisĂ© par une virgule, mais aussi par les parenthĂšses, les deux points, une phrase construction dĂ©tachĂ©e est l’indice d’une prise en charge Ă©nonciative ; on peut la considĂ©rer comme une reprĂ©sentation iconique d’un dĂ©crochage Ă©nonciatif. En effet, le dĂ©tachement permet de mimer une pause dĂ©libĂ©rative, un moment de rĂ©flexion conduisant Ă  re-Ă©valuer a posteriori X comme un procĂšs intentionnellement orientĂ© vers la rĂ©alisation de Y, d’oĂč l’effet de justification ou d’explication selon les contextes. Il ressort de cette observation que la responsabilitĂ© de la justification / explication par la cause finale incombe au locuteur, et non au rĂ©fĂ©rent sujet de la phrase sauf bien sĂ»r, si les deux coĂŻncident. Les co-occurrents37Outre le dĂ©tachement, un des points fondamentaux Ă  souligner est le type de prĂ©dicat Ă  l’infinitif. Ainsi, on observe que sur les 372 emplois, le verbe intransitif rire et ses synonymes apparaĂźt 64 fois [13], voir intransitif et ses synonymes 18 fois, causer intransitif et ses synonymes 17, passer le temps et ses synonymes 18 et boire / manger 13. MĂȘme si moins frĂ©quentes, d’autres co-occurrences sont observables se dĂ©gourdir les jambes, souffler
. Histoire de rire et les autres prĂ©dicats inconsistants » Y comme intention limitĂ©e38Histoire de rire [14] est employĂ© de façon massive ; on peut considĂ©rer qu’il s’agit d’une collocation Ă  l’entrĂ©e rire le Petit Robert et le TrĂ©sor de la Langue française informatisĂ© donnent histoire de rire. Incontestablement, tous les premiers emplois du connecteur sĂ©lectionnent le verbe rire et constituent une alternative Ă  pour rire, une autre collocation pour de rire apparaĂźt dans Frantext chez E. Sue, en 1845, soit approximativement Ă  la mĂȘme Ă©poque que histoire de. Dans cet emploi, rire mais aussi les autres co-occurrents rĂ©currents – boire / manger, voir, passer le temps, etc. constitue ce que nous appellerons un procĂšs inconsistant », c’est-Ă -dire un procĂšs qui ne possĂšde pas d’effets ou de consĂ©quences notoires. D’oĂč cette valeur si le procĂšs est inconsistant, l’intention qui est Ă  son origine ne peut ĂȘtre elle-mĂȘme qu’une intention simple. Ainsi, justifier l’action X par l’intention de rĂ©aliser un procĂšs inconsistant, permet de circonscrire X dans un cadre limitĂ©, sans effets pourrions aller jusqu’à dire que dans certains emplois, l’énonciateur n’essaye pas vĂ©ritablement de donner les explications ou justifications d’un procĂšs, mais qu’il les donne tout de mĂȘme, en manifestant cependant par l’emploi de motifs stĂ©rĂ©otypĂ©s son indiffĂ©rence ou son dĂ©tachement envers cette justification. C’est ce que montre, selon nous, l’emploi avec un complĂ©ment Ø de 25 cf. plus bas frĂ©quent Ă  l’ encore qu’un complĂ©ment inconsistant » est Ă©galement une valeur prĂ©sente dans certains emplois nominaux figĂ©s 18C’est une histoire de minutes19C’est l’histoire d’une minute ou deux20C’est l’histoire d’un ou deux couverts de plus41La quantification est nĂ©cessairement vue comme nĂ©gligeable, peu consistante », dans les emplois qu’il faudrait rapprocher de 10, 11, ailleurs, l’emploi relativement frĂ©quent 40 / 367 d’un quantificateur faible » ou d’un dĂ©terminant indĂ©fini est tout Ă  fait congruent avec la valeur d’inconsistance. Par exemple 21Histoire de prendre un peu l’air, je suis allĂ© manger un morceau en ville. Ph. Djian, 37˚2 le matin, 198522Il paraĂźt qu’il s’était mis en colĂšre une seule fois, mais de cette colĂšre contre un voisin qui avait dĂ©placĂ© les bornes d’un champ, histoire de gagner quelques mĂštres. J. Lanzmann, Le TĂȘtard, 197623Cette derniĂšre voiture s’arrĂȘta sur la route, Tron ayant accompagnĂ© l’autre jusqu’au parc, Ă  travers le chaume, sous le prĂ©texte de donner un coup de main histoire de flĂąner et de causer un instant. É. Zola, La Terre, 188724Histoire de lui acheter quelque chose, Pierre acquiert pour sa sƓur quelques images pieuses, imprimĂ©es au temps des combats. J. Rouaud, Les Champs d’honneur, 199025Il attendit pour voir si un con en treillis rirait de son esprit. Il lui aurait fait faire une petite marche de nuit, histoire de. J. Vautrin, Bloody Mary, 1979 [15] Effets de sens43Bien sĂ»r, tous les arguments ne rĂ©fĂšrent pas nĂ©cessairement Ă  des procĂšs inconsistants. Dans Frantext, la complĂ©mentation par des procĂšs Ă  la fois non intrinsĂšquement inconsistants » et non rĂ©currents, apparaĂźt dĂšs 1840 26J’ai soutirĂ© douze francs Ă  votre beau-pĂšre, les voilà
– Et comment as-tu fait ?
– Ne voulait-il pas voir les bassines et les provisions de monsieur, histoire de dĂ©couvrir le secret. Je savais bien qu’il n’y avait plus rien dans la petite cuisine ; mais je lui ai fait peur comme s’il allait voler son fils, et il m’a donnĂ© deux Ă©cus. H. Balzac, Illusions perdues, 1843.44DĂ©couvrir le secret n’est pas par lui-mĂȘme inconsistant, mais, en tant que complĂ©ment de histoire de, il est malgrĂ© tout construit par l’énonciation comme objet d’une lubie, d’un caprice, c’est-Ă -dire d’une intention bien rĂ©elle de la part du beau-pĂšre, mais dĂ©considĂ©rĂ©e par le locuteur. Les Ă©crivains ont su jouer de cette pression de la forme sur le complĂ©ment phrastique ; mais d’abord, considĂ©rons deux exemples construits qui paraissent incongrus ou particuliĂšrement cyniques 27Hitler a armĂ© l’Allemagne, histoire d’envahir l’Europe28Paul a pris des mĂ©dicaments, histoire de se suicider45Envahir l’Europe ou se suicider sont des actions ayant des consĂ©quences particuliĂšrement graves, qui ne peuvent, par consĂ©quent, ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme les objets d’une simple intention. Parmi les nombreux exemples de ce type dans Frantext, on relĂšvera 29Il en prit une, l’alluma et tira dessus comme un crapaud, histoire de salir un peu plus ses bronches A. Jardin, Bille en tĂȘte, 198646Se salir un peu plus les bronches est certes un procĂšs consistant par lui-mĂȘme, puisqu’occasionnant des effets dĂ©vastateurs ; histoire de configure ce procĂšs comme ne possĂ©dant pas de consĂ©quences notoires – d’oĂč l’effet humoristique quelque peu corrosif. Mais il y a plus, est construit ici un rapport intentionnel entre tirer dessus comme un crapaud et se salir les bronches, rapport qui n’existe pas objectivement, mais qui est le fait de l’énonciateur. De mĂȘme, dans30J’ai jetĂ© un coup d’Ɠil un peu triste sur les baraques et je me suis coltinĂ© un bidon de vingt-cinq kilos le long du chemin, histoire de me cisailler un peu les doigts Ph. Djian, 37˚2 le matin, 1985.47une relation intentionnelle incongrue est imposĂ©e par la 31Mais, avec une malice appuyĂ©e, il se disait nĂ©anmoins sĂ©duit par les mouvements en cours histoire de montrer qu’il restait jeune et de gauche J. Kristeva, Les Samourais, 199049 Montrer que l’on reste jeune et de gauche » n’est pas intrinsĂšquement sans valeur, mais est ici configurĂ© comme tel. Cette inconsistance est en fait un jugement de l’énonciateur ici le narrateur, jugement nĂ©gatif d’ailleurs anticipĂ© par avec une malice appuyĂ©e, et qui façonne l’ethos du personnage quelqu’un de puĂ©ril, sur le retour et ayant perdu ses idĂ©aux. C’est le regard du narrateur qui est ironique ici, et non pas le rapport entre l’intention de faire Y et celle de faire X comme dans 30. Le procĂšs X dans la limite d’une configuration50L’examen des procĂšs inconsistants permet donc de comprendre les effets pragmatiques de histoire de. Mais les remarques faites jusqu’à maintenant n’expliquent sans doute pas les motivations de l’emploi du mot si la notion d’expressivitĂ© est incontestablement peu objective, elle permet de rendre compte de l’impression ressentie Ă  la lecture des exemples histoire de est plus colorĂ© » que pour ; ainsi 29 comparĂ© Ă 32Il en prit une, l’alluma et tira dessus comme un crapaud, pour se salir un peu plus ses bronches ;52est bien plus expressif dans la mesure oĂč histoire de, par rapport Ă  pour en dit un peu plus ». Cette expressivitĂ© pourrait s’expliquer ainsi en Ă©tant attentif au fonctionnement nominal Legallois 2006b, on peut observer que le nom est utilisĂ© pour circonscrire un ensemble cohĂ©rent d’évĂ©nements qui ont pour seule Ă©paisseur ontologique leur participation Ă  une finalitĂ© prĂ©cise. Ils sont orientĂ©s vers une seule fin ; suivant en cela la narratologie, il est possible de dĂ©signer cette fonction par le terme de configuration. Cette configuration peut ĂȘtre un ensemble d’évĂ©nements vus comme cohĂ©sifs, toujours orientĂ© vers la rĂ©alisation d’un objet un devenir ; il s’ensuit que tout Ă©vĂ©nement de la configuration n’a pas d’autre rĂ©alitĂ© c’est-Ă -dire pas d’autres effets ailleurs que dans ce cadre. Des emplois nominaux jouent argumentativement sur cet aspect fermĂ© sur elle-mĂȘme » de l’histoire 33Ce ne sont pas tes histoires ! N’interviens pas lĂ -dedans34Tes histoires n’intĂ©ressent personne35N’aie pas peur, ce n’est qu’une histoire36Je ne crois pas Ă  ce qui vient d’arriver Ă  Paul ! C’est une histoire de fou !37Je n’entre pas dans cette histoire lĂ  dans le sens, je n’entre pas dans ces considĂ©rations / dans la combine53À chaque fois, ces expressions relativement figĂ©es, exploitent le potentiel sĂ©mantique de histoire configurer des Ă©vĂ©nements et leur refuser toute rĂ©alitĂ© en dehors de cette configuration. De mĂȘme, histoire de met en jeu cette valeur dans X, histoire de Y, le procĂšs X est dit justifiĂ© par sa seule finalitĂ©, rĂ©aliser Y » d’oĂč la valeur restrictive soulignĂ©e plus haut. Ainsi, 32, tout en possĂ©dant les mĂȘmes effets, est moins expressif que 29 car pour ne dit pas ce que dit histoire Il en prit une, l’alluma et tira dessus comme un crapaud, est conceptualisĂ© comme ensemble de procĂšs limitĂ©s Ă  un cadre / configuration, Ă  un scĂ©nario en dehors duquel cet ensemble n’aurait aucune raison d’ rĂ©capitulons ici nos observations histoire de, qui peut difficilement ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une locution en raison du comportement de de, est un connecteur apparaissant dans la littĂ©rature vers 1837 – peut-ĂȘtre comme grammaticalisation et gĂ©nĂ©ralisation d’une premiĂšre forme l’histoire de rire, mais les donnĂ©es sont trop insuffisantes pour que nous soyons affirmatifs. Son caractĂšre expressif est l’hĂ©ritage d’un emploi oral populaire. EmployĂ© systĂ©matiquement en construction dĂ©tachĂ©e, il introduit un procĂšs conçu comme une cause finale servant Ă  justifier ou Ă  expliquer le recours Ă  une action. Le point de vue exprimĂ© par histoire de est subjectif, produit par l’énonciateur et non par le rĂ©fĂ©rent du sujet conjonction sĂ©lectionne d’abord chronologiquement et statistiquement le prĂ©dicat rire, Ă  une Ă©poque oĂč apparaĂźt Ă©galement pour de rire et oĂč pour rire constitue dĂ©jĂ  une expression idiomatique. Le trait inconsistant de ce verbe et d’autres co-occurrents rĂ©vĂšle que le procĂšs X est motivĂ© par une intention simple » la rĂ©alisation de Y, et qu’il n’a pas d’autres effets en dehors de cette configuration. Ainsi, nous pouvons considĂ©rer histoire de + inf / que P comme une construction, au sens des Grammaires de Constructions [16], c’est-Ă -dire une forme phrasĂ©ologique mi-lexicale, mi-grammaticale, Ă  laquelle est inhĂ©rente une valeur sĂ©mantico-pragmatique. Notes [1] Nous verrons que la notion de locution prĂ©positive » appliquĂ©e Ă  histoire de est discutable. [2] Signalons que cet article fait suite Ă  un prĂ©cĂ©dent Legallois 2006b, dans lequel il s’agit de dĂ©terminer la sĂ©mantique du fonctionnement nominal du mot histoire, ainsi que, dans les limites d’un premier aperçu, de poser les prĂ©mices d’une analyse du connecteur. [3] Il n’y a que cinq occurrences de histoire que P dans Frantext. [4] Nous adoptons dĂ©sormais cette notation. pour indiquer que de n’est pas intĂ©grĂ©. [5] Cause finale, cause matĂ©rielle, cause efficiente et cause formelle forment la notion de αÎčÎčÎżÎœ [aition] dans la MĂ©taphysique d’Aristote. [6] Les locutions conjonctives qui servent Ă  construire les propositions finales entraĂźnent l’emploi du mode subjonctif dans la mesure oĂč elles explicitent cette intention Wagner et Pinchon 1962, § 699. [7] On devrait Ă©voquer la non-dĂ©termination de histoire, contrairement Ă  l’objectif, le but, l’intention et mĂȘme Ă  la seule fin de. [8] Hapax
 pas tout Ă  fait ! À l’heure oĂč nous bouclons, notre collĂšgue Mathilde Salles nous signale la prĂ©sence de la forme question de + inf. dans les romans de CĂ©line ; par exemple Je l’écoutais battre son cƓur, question de faire quelque chose dans la circonstance, les quelques gestes qu’on attendait CĂ©line, Voyage au bout de la nuit. AprĂšs examen sur Frantext, nous n’avons trouvĂ© ce type d’emploi – concurrent de histoire de – que chez cet auteur. [9] En plus de l’ex. 16, plus bas, mais qui apparaĂźt dans une forme non clivĂ©e. [10] Mais on imagine bien que sans numĂ©risation, la tĂąche est colossale. [11] On trouve une occurrence chez Hugo dans Actes et Paroles III. [12] 51 occurrences prĂ©sentent un dĂ©tachement frontal, place privilĂ©giĂ©e pour une portĂ©e plus grande du circonstant et une fonction d’organisation textuelle. MalgrĂ© tout, aprĂšs examen, il est difficile de dire que histoire de a une portĂ©e au-delĂ  de la phrase. [13] Le roman de SouliĂ© mentionnĂ© ci-dessous Ă  recours, Ă  lui seul, 17 fois au verbe rire. MĂȘme en pondĂ©rant, rire est de loin le prĂ©dicat le plus employĂ©. [14] On ne doit pas sous-estimer la motivation anthropologique » de la grammaticalisation de histoire. Les histoires sont souvent racontĂ©es pour rire, pour passer le temps. [15] Exemple qui contredit MĂ©lis 2003, 114 qui affirme que histoire de et Ă  cause de nĂ©cessitent obligatoirement un complĂ©ment cela est seulement exact pour Ă  cause de. On parlera, pour cet exemple, d’un complĂ©ment Ø. [16] Cf. A. Goldberg 1995, Ch. Fillmore et al. 1988 pour la construction let alone cf. E. Roussel ici mĂȘme, D. Legallois et J. François 2006a. 70ans aprĂšs la mort de Bernanos, son petit-fils, Yves Bernanos, et son petit-neveu, Jean-Pascal Hattu, apportent un Ă©clairage nouveau sur la vie et l’Ɠuvre de l’écrivain le plus anticonformiste de L'abbĂ© Donissan est un homme de foi sur le chemin de la saintetĂ©. C'est pourtant Ă  la recherche de Dieu qu'il se heurte Ă  ses propres doutes, et remet en question ses croyances. Dans une sordide histoire de meurtre, il est confrontĂ© aux menaces de Satan. Mais, dĂ©terminĂ©, le brave abbĂ© lui mĂšnera une lutte sans merci. PortĂ© par la suite au cinĂ©ma, Sous le soleil de Satan est certainement le roman le plus troublant et le plus profond de Georges Bernanos. Georges Bernanos 1888-1948 est un Ă©crivain français. Il passe la plus grande partie de sa jeunesse au Pas-de-Calais, lieu qui inspirera bon nombre de ses romans. Il poursuit des Ă©tudes Ă  l'institut Catholique de Paris. C'est aprĂšs avoir participĂ© Ă  la PremiĂšre Guerre mondiale que Georges Bernanos publie selon ses mots un livre nĂ© de la Guerre'' Sous le soleil de Satan». Face a des difficultĂ©s financiĂšres, il s'installe dans plusieurs pays Ă©trangers dont les BalĂ©ares, le BrĂ©sil en exil, la Tunisie.... Il publie en 1936 un autre de ses romans majeurs Journal d'un curĂ© de campagne». Comme les titres l'indiquent, ses oeuvres reprĂ©sentent trĂšs souvent des personnages catholiques, confrontĂ©s au combat spirituel entre le bien et le mal. Ensavoir plus sur Georges Bernanos. Bernanos, histoire d’un homme libre sur le site de la BnF Extrait : « Cette annĂ©e 2019 voit Georges Bernanos entrer dans le domaine public.Gallica, la bibliothĂšque numĂ©rique de la BibliothĂšque nationale de France, permet d’ailleurs dĂ©jĂ  d’accĂ©der Ă  un certain nombre de ses Ɠuvres ou Ă  des documents se rapportant Ă  ce gĂ©ant des Lettres WilliamWEISS age 27 ans Genre Homme MĂ©tier Au choix sexuality Au choix Race Humain Groupe Noble, chasseur, armĂ©elooks like Felix from Fire emblem CaractĂšreVous ĂȘtes libre de crĂ©er le personnage comme bon vous semble. Le but Ă©tant, de vous l'approprier. J'ai tout de mĂȘme quelques exigences Ă  apporter - Qu'il soit proche et protecteur envers sa sƓur JaĂŻna et son frĂšre Basile- Qu'il ne soit pas un tueur psychopathe et sanguinaire. Histoire‱ AinĂ© de la fratrie, il se sent responsable de ses cadets‱ Histoire de Jaina Ă  lire.‱ Vous ĂȘtes libre de votre histoireADDY_________________
EnFrance, il faut qu'un Ă©crivain soit de gauche ou de droite. Ou suspect. Il y a, il est vrai, le cas des transfuges : ceux qui ont commencĂ© une idylle avec la libertĂ© avant de se mettre en mĂ©nage avec l'autoritĂ© ; ou ceux qui, inversement, ont dĂ©butĂ© dans la soumission et fini sur les barricades. OĂč faut-il classer Bernanos, dont les Essais et Ă©crits de combat (2e volume)
Bateaux au jardin du Luxembourg. "In a higher world it is otherwise, but here below to live is to change, and to be perfect is to have changed often" Dans un monde supĂ©rieur, il en est autrement, mais ici-bas vivre, c’est changer ; ĂȘtre saint, c’est avoir beaucoup changĂ© », John Henry NEWMAN, An Essay on the Development of Christian Doctrine 1845, I, 1, 7 Ă©d. Green and Co, Longmans, Londres, 1878, p. 40. Vous ĂȘtes royaliste, disciple de Drumont – que mimporte ? Vous m’ĂȘtes plus proche, sans comparaison, que mes camarades des milices d’Aragon – ces camarades que, pourtant, j’aimais », Ă©crivit Simone Weil Ă  Bernanos aprĂšs avoir lu Les Grands cimetiĂšres sous la lune Correspondance inĂ©dite CI t. II, p. 203-204. Elle exprimait ainsi l’un des paradoxes de Bernanos. ProfondĂ©ment catholique, il n’hĂ©site pas Ă  dĂ©noncer violemment les choix de l’église d’Espagne et l’ignoble Ă©vĂȘque de Majorque » CI, t. II, p. 170 qui bĂ©nit le massacre des rĂ©publicains en 1937, l’église italienne qui approuve Mussolini pour conserver ses privilĂšges et l’ordre », le clergĂ© français timide durant la guerre. Admirateur de Drumont, il condamne l’antisĂ©mitisme en 1939, membre de l’Action française aprĂšs avoir Ă©tĂ© Camelot du Roi, il la quitte non sans souffrance lorsque Rome la condamne, acceptant mĂȘme de se brouiller dĂ©finitivement avec Maurras, et se rallie Ă  l’appel du 18 juin quand la plupart de ses anciens compagnons prennent le parti du marĂ©chal PĂ©tain. Royaliste, il titrait un article en novembre 1944 Je crois Ă  la RĂ©volution », poursuivant On me reproche parfois de trop parler de rĂ©volution. Mais ce n’est pas d’en parler qu’on me blĂąme ; on ne me pardonne pas d’y croire. Et j’y crois parce que je la vois. Je la vois partout dans le monde, mais je la vois plus clairement dans mon propre pays, parce qu’il y a commencĂ© plus tĂŽt, et c’est le gĂ©nĂ©ral de Gaulle qui l’a faite » Écrits et Ɠuvres de combat EEC, p. 939. Son second roman, L’imposture fut saluĂ© par Malraux comme par Antonin Artaud qui lui Ă©crivit alors Votre “mort du curĂ© Chevance” m’a donnĂ© une des Ă©motions les plus tristes et les plus dĂ©sespĂ©rĂ©es de ma vie. 
 Rarement chose ou homme m’a fait sentir la domination du malheur, rarement j’ai vu l’impasse d’une destinĂ©e farcie de fiel et de larmes, coincĂ©e de douleurs inutiles et noires comme dans ces pages dont le pouvoir hallucinatoire n’est rien Ă  cĂŽtĂ© de ce suintement de dĂ©sespoir qu’elles dĂ©gagent » et reconnaĂźt en lui un frĂšre en dĂ©solante luciditĂ© » cf. Georges Bernanos Ă  la merci des passants, Jean-Loup Bernanos, p. 194-195. Il est en revanche traitĂ© plus bas que terre par nombre de chrĂ©tiens » qui le vouent sans hĂ©siter aux gĂ©monies lorsque ses Ɠuvres ne correspondent pas Ă  l’idĂ©e que l’on se fait habituellement de la production d’un Ă©crivain catholique. Sur le plan littĂ©raire, peut-on parler d’une fidĂ©litĂ© de l’écrivain ? Romancier, il se transforme en pamphlĂ©taire Ă  partir de 1936, renonçant Ă  la joie de laisser se lever les personnages que son imagination faisait surgir. Et que dire des innombrables dĂ©mĂ©nagements de la famille Bernanos, non seulement en France mais Ă  Majorque, au Paraguay, Ă©tape pour le BrĂ©sil, puis en Tunisie, parce que la France de l’aprĂšs-guerre lui est insupportable ? Quelle fidĂ©litĂ© unifiait donc cet homme, dont les choix apparemment contradictoires laissĂšrent souvent perplexes ceux qui ne le connaissaient que par la rumeur, quand Jean de FabrĂšgues, au contraire, pouvait Ă©crire Non, Bernanos n’avait pas changĂ© il Ă©tait restĂ© fidĂšle Ă  lui-mĂȘme, Ă  tout lui-mĂȘme, Ă  ce que les partis, la droite et la gauche, se partageaient, se disputaient
 C’était lui, en vĂ©ritĂ©, qui restait le mĂȘme, qui restait fidĂšle tel au dernier jour que nous l’avions connu au premier, tel en ces derniers mois qu’à l’époque du Soleil de Satan, ou, plus loin encore, de l’Avant-Garde de Rouen, fidĂšle Ă  son “rĂȘve”, Ă  son Ăąme » Bernanos tel qu’il Ă©tait, Mame, 1963 ? Sans doute une des clefs de lecture se situe-t-elle dans l’idĂ©e que Bernanos se faisait de son mĂ©tier d’écrivain. Le mĂ©tier littĂ©raire ne me tente pas », Ă©crit-il dĂ©jĂ  en 1919, il m’est imposĂ©. C’est le seul moyen qui m’est donnĂ© de m’exprimer, c’est-Ă -dire de vivre. Pour tous une Ă©mancipation, une dĂ©livrance de l’homme intĂ©rieur, mais ici quelque chose de plus la condition de ma vie morale. Nul n’est moins art pour art, nul n’est moins amateur que moi. C’est pourquoi le mal est sans remĂšde. En enterrant ma vocation, on m’enterre avec elle, et les idĂ©es dont je vis » CI, t. I, p. 167. Bien avant que le Soleil de Satan ne rĂ©vĂšle le romancier, il vit son mĂ©tier comme une vocation – vocatus », et cette perspective domine toute sa vie. Il prĂ©cise en 1943 Le bon Dieu doit m’appeler chaque fois qu’il a besoin de moi et beaucoup de fois, et sur un ton comminatoire ! Alors je me lĂšve en rechignant et sitĂŽt la besogne faite, je retourne Ă  ma vie trĂšs ordinaire » CI, t. II, p. 503. C’est pour ĂȘtre fidĂšle Ă  cette vocation, Ă  cet appel que Bernanos quitte le mĂ©tier d’assureur aprĂšs le succĂšs du Soleil de Satan, qu’il abandonne le roman pour les Ɠuvres de combat, Ă©crivant le 14 mars 1937 Il est vraiment providentiel que je sois venu ici, Ă  Majorque. J’ai compris. Je tĂącherai de faire comprendre » et ce sera le brasier des Grands CimetiĂšres sous la lune, qu’il s’exile volontairement en 1938, lorsque l’air » devient si rarĂ©fiĂ© » en Europe qu’il ne porte pas une parole libre » CI, t. II, p. 598 sq., lui faisant dire Je ne veux pas risquer de me damner ». Bernanos prend tous les moyens pour ĂȘtre fidĂšle Ă  cette vocation dont il affirmait qu’elle Ă©tait plus exigeante pour lui que les vƓux d’un religieux. Risquer la critique n’est alors que le moindre des risques Qu’est-ce que je risque ? Mon prestige ? Il est Ă  votre disposition, s’il m’en reste. J’ai eu du prestige, comme tout le monde 
. Depuis la publication des Grands CimetiĂšres, par exemple, celui que je tenais de la Critique s’est dissipĂ© en fumĂ©e, la Critique fait autour de moi un silence que je voudrais croire auguste » Les Enfants humiliĂ©s, EEC, t. I, p. 874. La pauvretĂ© dans laquelle Bernanos a toujours vĂ©cue est Ă  ses yeux la stricte consĂ©quence de cette fidĂ©litĂ©. Bernanos est toujours Ă  la recherche du pain de chaque jour pour les siens. DĂ©vorĂ© par la mission Ă  remplir, il refusera toujours de faire carriĂšre. Les critiques lui prĂ©disent le succĂšs, les honneurs Bernanos n’en veut pas. Par trois fois il refusera la LĂ©gion d’honneur, en 1927, 1928, 1946 ; il refuse d’entrer Ă  l’AcadĂ©mie française, dĂ©cline les postes de ministre que lui propose de Gaulle Ă  la LibĂ©ration. Ses livres se vendront toujours bien ; en administrant prudemment ses biens, il aurait pu mettre les siens Ă  l’abri du besoin et des imprĂ©vus. Mais l’argent file entre ses doigts. Il se consacre Ă  l’écriture comme n’importe quel travailleur Ă  son mĂ©tier quotidien La maison Plon, avec une sollicitude carnassiĂšre, me rĂ©tribue page par page. Pas de page, pas de pain. 
 [Q]uand le soir vient, j’ose Ă  peine me moucher, de peur de trouver ma cervelle dans mon mouchoir » CI, t. II, p. 50, Ă©crivant tout le jour dans des cafĂ©s pour ne pas oublier la rĂ©alitĂ© des visages humains et ne pas se laisser emporter par le rĂȘve cf. Les Grands CimetiĂšres sous la lune, EEC, t. I, p. 354, au moins tant qu’il est en Europe. La solitude de ses annĂ©es brĂ©siliennes n’en sera que plus grande. La plupart de ses dĂ©mĂ©nagements, sinon tous, dĂ©riveront de cette pauvretĂ©, Bernanos espĂ©rant chaque fois pouvoir faire vivre sa famille sinon mieux, du moins de maniĂšre dĂ©cente. Car il lui faut bien souvent supplier Plon, son Ă©diteur, de lui envoyer quelque subside Je ne peux plus vivre sur des avances, et ne possĂ©dant pas un seul “pĂ©tard” comme disait RenĂ© de Chateaubriand il faut tout de mĂȘme que je sache si je puis vivre au jour le jour de mon mĂ©tier, mĂȘme si je devais m’aider de collaborations rĂ©guliĂšres Ă  des journaux. Si la maison Plon ne peut ou ne veut rien dans ce sens, qu’elle me laisse un dĂ©lai raisonnable pour le remboursement 
 et qu’elle me permette de m’adresser ailleurs » CI, t. I, p. 535. Jusqu’à sa mort il connaĂźtra le combat du pĂšre de famille en quĂȘte de la subsistance de sept personnes ou plus. Combat torturant, car sa vocation de pĂšre n’est jamais opposĂ©e Ă  celle d’écrivain elles sont deux aspects de sa vocation de chrĂ©tien. Il n’est pas l’homme de lettres » qui s’isole pour faire son Ɠuvre ; il connaĂźt, au contraire, la difficultĂ© des dĂ©parts, les maisons inconfortables, les meubles cassĂ©s, la perte des manuscrits et des objets auxquels on s’attache, les angoisses nĂ©es des maladies, des accidents. Il n’a rien d’un exaltĂ© qui entraĂźne sa famille dans de folles Ă©quipĂ©es, Ă  la poursuite d’un rĂȘve personnel. De LĂ©on Bloy, il Ă©crira ceci, qui semble le dĂ©crire personnellement Comme son brave homme de pĂšre, il Ă©tait certainement nĂ© pour une carriĂšre tranquille ... couronnĂ©e par la retraite. ... Mais LĂ©on Bloy Ă©tait appelĂ© – vocatus – et il a retirĂ© ses pantoufles, il est parti pour une vie de crĂšve-la-faim, presque sans s’en apercevoir » Dans l’amitiĂ© de LĂ©on Bloy, 1946. Le bon Dieu ne m’a pas mis une plume dans les mains pour rigoler avec » CI, t. II, p. 47. C’est par rapport Ă  Dieu qu’il se situe lorsqu’il entreprend une Ɠuvre Si je me sentais du goĂ»t pour la besogne que j’entreprends aujourd’hui, le courage me manquerait probablement de la poursuivre, parce que je n’y croirais pas » Les Grands CimetiĂšres, EEC, t. I, p. 353, comme lorsqu’il est affrontĂ© au dĂ©mon de [s]on cƓur » le À quoi bon ? » qui lui ferait abandonner la lutte, aussi bien dans la vie que dans l’écriture. Car le premier devoir d’un Ă©crivain est d’écrire ce qu’il pense, coĂ»te que coĂ»te. Ceux qui prĂ©fĂšrent mentir n’ont qu’à choisir un autre mĂ©tier – celui de politicien, par exemple. Écrire ce qu’on pense ne signifie nullement Ă©crire sans rĂ©flexion ni scrupule tout ce qui vous passe par la tĂȘte. 
 La vĂ©ritĂ© m’a prise au piĂšge, voilĂ  tout. En Ă©crivant un livre comme Les Grands CimetiĂšres sous la lune, je me suis trop engagĂ© dans la vĂ©ritĂ©. Je n’en pourrais sortir dĂ©sormais, mĂȘme si je le voulais » Le Chemin de la Croix-des-Âmes, EEC, t. II, p. 675. L’Ɠuvre de Bernanos est donc avant tout une quĂȘte de la vĂ©ritĂ©. Il lui voue sa vie et essaie de trouver, par un approfondissement constant de la rĂ©flexion, une simplification de l’ĂȘtre et de l’écriture. Pour moi le meilleur moyen d’atteindre la vĂ©ritĂ©, c’est d’aller au bout du vrai quels qu’en soient les risques », Ă©crit-il dans Le Chemin de la Croix-des-Âmes. Il lui fallut parfois un beau courage que l’on pense, outre aux injures et insultes qu’il essuya souvent, Ă  ce qu’il fallait de conscience et de dĂ©termination pour tĂ©moigner non aprĂšs mais durant la guerre d’Espagne, alors qu’il Ă©tait aux premiĂšres loges, Ă  Palma de Majorque. Il fut au reste victime de deux tentatives d’attentat qui Ă©chouĂšrent, heureusement, mais Ă©crivit Ă  une de ses niĂšces Il paraĂźt que cette canaille de Franco a mis ma tĂȘte Ă  prix, et dĂ©lĂ©guĂ© ses meilleurs exĂ©cuteurs. Donc, si tu apprends que je me suis tuĂ© en jouant avec une arme Ă  feu, Ă©tant un peu saoul, ne le crois pas, et dĂ©fends ma mĂ©moire ! CI, t. III, p. 311. En 1940 il Ă©crit Les milieux catholiques m’ont donnĂ© ce qu’ils peuvent donner Ă  qui ne les flatte pas – rien. Ils n’ont Ă©videmment rien Ă  dire Ă  un Ă©crivain qui, aprĂšs le Soleil comme aprĂšs le Journal d’un curĂ© de campagne, a sacrifiĂ© deux fois les profits matĂ©riels d’un trĂšs grand succĂšs Ă  ce qu’il croyait son devoir, perdu deux fois, volontairement, un immense public dont, avec quelques concessions, il pouvait tirer honneur et fortune CI, t. II, p. 294-295. L’Ɠuvre romanesque et l’Ɠuvre de combat relĂšvent en fait d’une mĂȘme pensĂ©e il s’agit pour Bernanos de dire chaque fois tout ce que je pense, avec toute la force dont je suis capable » Le Chemin de la Croix-des-Âmes, EEC, t. II, p. 661. Le Soleil de Satan naĂźt de la guerre » Le crĂ©puscule des vieux, p. 65, de l’aveu mĂȘme de Bernanos La guerre m’a laissĂ© ahuri, comme tout le monde, de l’immense disproportion entre l’énormitĂ© du sacrifice et la misĂšre de l’idĂ©ologie proposĂ©e par la presse et les gouvernements
 Et puis encore, notre espĂ©rance Ă©tait malade, ainsi qu’un organe surmenĂ©. La religion du ProgrĂšs, pour laquelle on nous avait poliment priĂ©s de mourir, est en effet une gigantesque escroquerie Ă  l’espĂ©rance. 
 Eh bien ! j’ai cette fois encore fait comme tout le monde. J’ai dĂ©mobilisĂ© mon cƓur et mon cerveau. J’ai cherchĂ© Ă  comprendre » Ibid., p. 28. Je savais que ce n’étaient pas les grandes choses, c’étaient les mots qui mentaient. La leçon de la guerre allait se perdre dans une immense gaudriole. 
 Qu’aurais-je jetĂ© en travers de cette joie obscĂšne, sinon un saint ? À quoi contraindre les mots rebelles, sinon Ă  dĂ©finir, par pĂ©nitence, la plus haute rĂ©alitĂ© que puisse connaĂźtre l’homme aidĂ© de la grĂące, la SaintetĂ© ? » Ibid., p. 68. Toute l’Ɠuvre Ă  venir se trouve dĂ©jĂ  dans les principes qui prĂ©sident Ă  la crĂ©ation de ce roman la saintetĂ© et l’ordre surnaturel du monde, le poids de vĂ©ritĂ© qu’il s’agit de rendre aux mots, la lutte contre les idĂ©ologies – en particulier contre l’imposture du ProgrĂšs –, la figure centrale de l’enfance bafouĂ©e Mouchette et ignorante d’elle-mĂȘme etc. Les modalitĂ©s n’en sont ensuite que secondaires, dans la mesure oĂč elles sont subordonnĂ©es Ă  une certaine idĂ©e de la condition de l’homme » indissoluble pour lui d’une vision catholique du rĂ©el », selon le titre d’une confĂ©rence faite en 1927 Ă  Bruxelles cf. Le crĂ©puscule des vieux. Il y a 
 longtemps, affirme-t-il en 1943, que je crois qu’un vĂ©ritable Ă©crivain n’est que l’intendant et le dispensateur de biens qui ne lui appartiennent pas, qu’il reçoit de certaines consciences pour les transmettre Ă  d’autres, et s’il manque Ă  ce devoir, il est moins qu’un chien. – Ceci, selon moi, n’est qu’un aspect de cette coopĂ©ration universelle des Ăąmes que la thĂ©ologie catholique appelle la Communion des saints. Que ce nom de saints, ne vous fasse pas peur, si vous n’ĂȘtes pas chrĂ©tien !... Il est pris ici dans son sens Ă©vangĂ©lique. C’est le pseudonyme de bonne volontĂ©. – » CI, t. II, p. 510-511. Bernanos reconnaĂźt bien volontiers qu’il a reçu beaucoup de son enfance, Ă  laquelle il est toujours redevable Quant Ă  mes livres, ce qu’ils ont de bon vient de trĂšs loin, de ma jeunesse, de mon enfance, des sources profondes de mon enfance » CI, t. II, p. 502. Ne disait-il pas dĂ©jĂ  dans Les Grands CimetiĂšres sous la lune Qu’importe ma vie ! Je veux seulement qu’elle reste jusqu’au bout fidĂšle Ă  l’enfant que je fus. Oui, ce que j’ai d’honneur et ce peu de courage, je le tiens de l’ĂȘtre aujourd’hui pour moi mystĂ©rieux qui trottait sous la pluie de septembre, Ă  travers les pĂąturages ruisselants d’eau 
 de l’enfant que je fus et qui est Ă  prĂ©sent pour moi comme un aĂŻeul. EEC, t. I, p. 404. Les hĂ©ros bernanosiens se prĂ©sentent tous le curĂ© de Lumbres doit acquĂ©rir durement cette qualitĂ© comme des enfants. Jeunes pour la plupart, ils en ont gardĂ© la fraĂźcheur peut-ĂȘtre, l’innocence, la capacitĂ© de s’émerveiller et de faire confiance, parfois accompagnĂ©e d’une certaine maladresse devant les puissants, ceux qui rĂ©ussissent dans la vie. N’est-ce pas au reste ce que leur entourage reproche Ă  Chantal dans La Joie, au curĂ© d’Ambricourt dans Le CurĂ© de campagne, Ă  Constance dans les Dialogues des CarmĂ©lites ? La gaietĂ© des saints qui nous rassure par une espĂšce de bonhomie familiĂšre n’est sĂ»rement pas moins profonde que leur tristesse, mais nous la croyons volontiers naĂŻve, parce qu’elle ne laisse paraĂźtre aucune recherche, aucun effort, ni ce douloureux retour sur soi-mĂȘme qui fait grincer l’ironie de MoliĂšre au point prĂ©cis oĂč l’observation des ridicules d’autrui s’articule Ă  l’expĂ©rience intime », lit-on dans La Joie OR, p. 599. Chantal ne se prĂ©occupe pas de sa vie, qu’elle voit toute petite », alors que son entourage se demande ce qu’elle fera demain. Mais c’est qu’il n’y a pas de demain pour elle l’important est Ă  ses yeux de faire parfaitement les choses faciles » OR, p. 558, de se donner Ă  chaque instant sans rĂ©serve Beaucoup d’ĂȘtre se sacrifient, qui n’auraient pas le courage de se donner » OR, p. 586. Il serait faux en effet de penser que Bernanos, tel les romantiques, regrette le temps de l’enfance. Elle est pour lui devant et non derriĂšre Si je marche Ă  ma fin, comme tout le monde », Ă©crit-il, c’est le visage tournĂ© vers ce qui commence, qui n’arrĂȘte pas de commencer, qui commence et ne se recommence jamais, ĂŽ victoire ! » Les Enfants humiliĂ©s, EEC, t. I, p. 107. L’abbĂ© Chevance, dans L’imposture, est tout aussi enfant que sa fille spirituelle, Chantal, malgrĂ© son grand Ăąge. Bernanos n’écrit-il pas Dans l’état prĂ©sent du monde, devenir un vieillard est presque aussi difficile que de devenir un Saint. Vous croyez qu’on entre dans la vieillesse par anciennetĂ©, imbĂ©ciles ! Vous n’ĂȘtes pas des vieillards, vous ĂȘtes des vieux, des retraitĂ©s » Français si vous saviez
, EEC, t. II, p. 201-202 ? La vĂ©ritable vieillesse est un accueil du jour fidĂšle Ă  l’enfance. Lui-mĂȘme avoue ailleurs J’ai perdu l’enfance, je ne pourrais la reconquĂ©rir que par la saintetĂ© » CI, t. II, p. 503. L’enfance est avant tout une confiance en l’avenir, une maniĂšre de vivre l’aujourd’hui sans s’inquiĂ©ter du lendemain ni se laisser appesantir par le passĂ©, sans se laisser arrĂȘter ou seulement ralentir par la peur. Or Bernanos est sujet, depuis l’enfance, Ă  de terribles crises d’angoisse. On sait qu’il tira un jour un coup de carabine sur le miroir qui le reflĂ©tait ; on se souvient moins, souvent, qu’il vĂ©cut la guerre des tranchĂ©es, ce petit espace de quelques lieues carrĂ©es, grouillant de moribonds » CI, t. I, p. 104, fut enterrĂ© vivant sous un obus durant la guerre et resta plusieurs minutes terribles sous l’avalanche de terre et de fer », suspendu entre vie et mort ; qu’en 1923 une perforation intestinale, aggravĂ©e d’un abcĂšs, d’une infection des reins, d’une cystite, le cloua le ventre entrouvert » prĂšs de deux mois sans antibiotiques, Ă©videmment ; que deux accidents de moto le laisseront infirme
 Choisir la vie », selon le prĂ©cepte biblique, n’est donc pas un vain mot pour lui. Est-il inconvenant de penser que la description si prĂ©gnante qu’il fit bien souvent du suicide 12 dans ses Ɠuvres romanesques ! dĂ©rive aussi de pensĂ©es qui l’assaillirent parfois, mĂȘme s’il les refusait aussitĂŽt ? Lorsqu’il Ă©crit Il est peu d’hommes qui, Ă  une heure de la vie, honteux de leur faiblesse ou de leurs vices, incapables de leur faire front, d’en surmonter l’humiliation rĂ©demptrice, n’aient Ă©tĂ© tentĂ©s de se glisser hors d’eux-mĂȘmes, Ă  pas de loup, ainsi que d’un mauvais lieu » Les enfants humiliĂ©s, EEC, t. I, p. 831, il ne parle pas que des autres, il sait le poids de l’ĂȘtre et ce qu’est la tentation du dĂ©sespoir » Sous le Soleil de Satan, titre de la PremiĂšre partie, chap. 1, OR, p. 116 sq.. Bernanos Ă©tait dans la vie un homme trĂšs gai il avoue fuir la compagnie de ses enfants pour travailler non parce que leur bruit le gĂȘne, mais parce qu’il a toujours envie d’aller jouer avec eux, et son rire Ă©tait contagieux ; il n’est pas question d’en faire un Ă©crivain dĂ©primĂ© qui cultiverait le noir et Ă©crirait pour se dĂ©fouler. Il Ă©tait tout au contraire un homme qui aimait passionnĂ©ment la vie et le doux Royaume de la Terre ». C’est pourquoi il pouvait parler d’ un dĂ©sespoir inflexible qui n’est peut-ĂȘtre que l’inflexible refus de dĂ©sespĂ©rer. Je viens d’écrire ce mot de dĂ©sespoir par dĂ©fi. Je sais parfaitement qu’il ne signifie plus rien pour moi. Autre chose est de souffrir l’agonie du dĂ©sespoir, autre chose le dĂ©sespoir lui-mĂȘme. 
 [L]’espĂ©rance est une victoire, et il n’y a pas de victoire sans risque. Celui qui espĂšre rĂ©ellement, qui se repose dans l’espĂ©rance, est un homme revenu de loin, de trĂšs loin, revenu sain et sauf d’une grande aventure spirituelle, oĂč il aurait dĂ» mille fois pĂ©rir. ... Celui qui, un soir de dĂ©sastre, piĂ©tinĂ© par les lĂąches, dĂ©sespĂ©rant de tout, brĂ»le sa derniĂšre cartouche en pleurant de rage, celui-lĂ  meurt, sans le savoir, en pleine effusion de l’espĂ©rance. ... Si j’ai les Ɠuvres de l’espĂ©rance, l’avenir le dira. L’avenir dira si chacun de mes livres n’est pas un dĂ©sespoir surmontĂ©. Le vieil homme ne rĂ©sistera pas toujours ; le vieux bĂątiment ne tiendra pas toujours la mer ; il suffit bien qu’il puisse se maintenir jusqu’à la fin debout Ă  la lame, et que celle qui le coulera soit aussi celle qui l’aura levĂ© le plus haut » Français, si vous saviez
, EEC, t. II, p. 1174. L’espĂ©rance, vertu de qui a traversĂ© l’épreuve, caractĂ©rise les personnages bernanosiens tout autant que de leur crĂ©ateur. Comme lui, ils savent que [p]our rencontrer l’espĂ©rance, il faut ĂȘtre allĂ© au delĂ  du dĂ©sespoir. Quand on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore. 
 L’espĂ©rance est une vertu, virtus, une dĂ©termination hĂ©roĂŻque de l’ñme. La plus haute forme de l’espĂ©rance, c’est le dĂ©sespoir surmontĂ© » La LibertĂ© pour quoi faire ?, EEC, t. II, p. 1262-1263. L’espĂ©rance est un risque Ă  courir », comme l’avenir lui-mĂȘme, [e]lle est la plus grande et la plus difficile victoire qu’un homme puisse remporter sur son Ăąme » La Liberté , p. 1315. Bernanos tenait ainsi particuliĂšrement au chapitre du Journal racontant la rencontre entre le lĂ©gionnaire et le curĂ© d’Ambricourt, oĂč celui-ci connaĂźt le risque bĂ©ni de la jeunesse et reçoit la rĂ©vĂ©lation de l’amitiĂ© Le chapitre que je viens d’écrire, je l’avais sur le cƓur, depuis des mois, presque depuis la premiĂšre ligne de mon livre ». Il prĂ©cise immĂ©diatement Ce n’est pas qu’il vaut mieux que les autres, mais de tous mes bouquins celui-ci est certainement le plus testamentaire. Pour que l’obscur sacrifice de mon hĂ©ros soit parfait, je veux qu’il ait aimĂ©, et compris, Ă  une minute de sa vie, ce que j’ai tant aimĂ© moi-mĂȘme. J’avais besoin d’un grand matin triomphal, et de la parole d’un soldat » CI, t. II, p. 120. Ses personnages connaissent aussi bien la vertu de l’espĂ©rance que ses difficultĂ©s. Si Chantal et l’abbĂ© Chevance, saints lumineux, vivent comme naturellement en elle, ils agonisent pourtant dans des tentations proches du dĂ©sespoir et ont besoin de la compassion d’autrui pour la surmonter. Un bref dialogue de La Joie OR, p. 675 en rend l’essentiel J’ai trop mĂ©prisĂ© la peur, avouait-il un jour, j’étais jeune, j’avais le sang chaud. Comment ! C’est vous qui parlez ainsi, s’était-elle Ă©criĂ©e, vous ? Est-ce que vous allez faire entrer la peur dans le paradis ? 
 Pas si vite ! Pas si vite ! En un sens, voyez-vous, la peur est tout de mĂȘme la fille de Dieu, rachetĂ©e la nuit du Vendredi saint. Elle n’est pas belle Ă  voir – non ! – tantĂŽt raillĂ©e, tantĂŽt maudite, renoncĂ©e par tous
 Et cependant, ne vous y trompez pas elle est au chevet de chaque agonie, elle intercĂšde pour l’homme. » L’espĂ©rance est pour Bernanos non pas le contraire de la peur, mais l’inverse du rĂȘve J’ai mis trente ans Ă  reconnaĂźtre que je n’avais rien, absolument rien. Ce qui pĂšse dans l’homme, c’est le rĂȘve
, affirme Chevance dans La Joie OR, p. 615. Elle est la vertu des forts, de ceux qui choisissent de renoncer aux illusions, aux mensonges sur autrui comme sur soi-mĂȘme. Ainsi l’abbĂ© Chevance reprend-il fermement, presque violemment, le menteur et le pĂ©cheur lorsqu’ils s’attaquent Ă  Dieu et Ă  eux-mĂȘmes c’est tout un Vous avez Ă©tĂ© cruelle exprĂšs, comprenez-vous ? C’est comme si vous aviez tuĂ© votre Ăąme, pour en finir, d’un seul coup » L’imposture, OR, p. 491. L’imposture, qui prĂ©cĂšde La Joie et en constitue le premier volet, prĂ©sente de maniĂšre poignante l’inverse de ces enfants » que sont les saints. Bernanos y critique la mĂ©diocritĂ© des gens d’Église pactisant avec l’esprit du monde et l’ambition, le dĂ©sir de gloire, le vide
 Lorsque l’abbĂ© CĂ©nabre, brillant intellectuel, Ă©crivain de renom, se tourne vers son enfance, il n’y voit que l’ambition de sortir d’un milieu qu’il mĂ©prise et avec lequel il dĂ©cide qu’il n’aura jamais rien en commun » OR, p. 460, un immense orgueil » et une volontĂ© qui ne pourra pas ĂȘtre pliĂ©e mais seulement brisĂ©e. Chacun de ses pas », Ă©crit le narrateur, avait Ă©tĂ© une rupture avec le passĂ© », chacun avait Ă©tĂ© aussi un progrĂšs dans le mensonge. Car [p]our mentir utilement, avec efficace et sĂ©curitĂ© plĂ©niĂšre, il faut connaĂźtre son mensonge et s’exercer Ă  l’aimer ». Ce mĂȘme orgueil qui le pousse Ă  refuser l’enfant qu’il aurait pu ĂȘtre, qu’il Ă©tait avant le choix du mensonge, en fait un prĂȘtre sans la foi », le pire des imposteurs. Pourtant, il cĂ©dera au À quoi bon ? », sinistre parole 
 au principe de tous les abandonnements » OR, p. 461. Il en arrive Ă  des gestes absurdes, que lui-mĂȘme ne s’explique pas, refuse la beautĂ© qui l’entoure et la science qui fut sa gloire ; car lorsque l’ñme est morte, plus rien ne peut vivifier l’ĂȘtre Monsieur Ouine, dont la curiositĂ© dĂ©moniaque, l’avide dĂ©sir de percer le secret des Ăąmes, a causĂ© le dĂ©sespoir et/ou la mort de plusieurs personnes, dĂ©couvre au moment de mourir non pas qu’il n’a rien, comme l’abbĂ© Chevance, mais qu’il n’est rien, qu’il est vide » [E]st-ce possible ? Je me vois maintenant jusqu’au fond, rien n’arrĂȘte ma vue, aucun obstacle. Il n’y a rien. Retenez ce mot rien ! » Mais l’ĂȘtre ne peut vivre ainsi, et Monsieur Ouine ajoute presque aussitĂŽt J’ai faim. 
 Je suis enragĂ© de faim, je crĂšve de faim. 
 On ne me remplira plus dĂ©sormais. 
 HĂ©las ! qu’eussĂ©-je partagĂ© ? Je dĂ©sirais, je m’enflais de dĂ©sir au lieu de rassasier ma faim, je ne m’incorporais nulle substance, ni bien ni mal, mon Ăąme n’est qu’une outre pleine de vent. 
 Je n’ai mĂȘme pas un remords Ă  lui jeter pour tromper sa faim 
. Au point oĂč je me trouve, il ne me faudrait pas moins de toute une vie pour rĂ©ussir Ă  former un remords. 
 Toute une vie, une longue vie, toute une enfance
 une nouvelle enfance. 
 Je ne puis dĂ©jĂ  plus rien donner Ă  personne, je le sais, je ne puis probablement plus rien recevoir non plus » Monsieur Ouine, OR, p. 1552-1555. Tant d’hommes naissent, vivent et meurent sans s’ĂȘtre une seule fois servis de leur Ăąme ». La fidĂ©litĂ© Ă  l’enfance est au contraire une fidĂ©litĂ© au don de soi et Ă  la capacitĂ© de tout recevoir sans jamais s’approprier le don reçu. C’est le miracle des mains vides » dont parle le petit curĂ© d’Ambricourt, qui permet de donner Ă  chacun ce dont il a besoin alors mĂȘme qu’on pense ne pas le possĂ©der pour soi. Il permet de faire face », selon l’expression favorite de Bernanos, Ă  la fois Ă  la monotonie du quotidien et Ă  l’extraordinaire d’évĂ©nements dĂ©routants, jusqu’au plus important de tous, la mort J’entends bien qu’un homme sĂ»r de lui-mĂȘme, de son courage, puisse dĂ©sirer faire de son agonie une chose parfaite, accomplie. Faute de mieux, la mienne sera ce qu’elle pourra, rien de plus. 
 Car l’agonie humaine est d’abord un acte d’amour. 
 Pourquoi m’inquiĂ©ter ? Pourquoi prĂ©voir ? Si j’ai peur, je dirai j’ai peur, sans honte. Que le premier regard du Seigneur, lorsque m’apparaĂźtra sa Sainte Face, soit donc un regard qui rassure ! » Journal d’un curĂ© de campagne, OR, p. 1256. Car la suave enfance monte la premiĂšre des profondeurs de toute agonie » Monsieur Ouine, OR, p. 1428. Se jetant Ă  corps perdu dans la vie, au contraire de tous ceux qui autour d’eux prĂ©fĂšrent les demi-mesures, les abdications discrĂštes, les renoncements silencieux, les enfants », les saints de l’Ɠuvre bernanosienne ne renoncent jamais, car il n’est d’autre mesure pour l’homme que de se donner sans mesure Ă  des valeurs qui dĂ©passent infiniment le champ de sa propre vie » Lettre aux Anglais, EEC, t. II, p. 58. L’épreuve les frappe comme tout un chacun, mais ils l’enveloppent en quelque sorte de la douceur de l’impuissance convaincus qu’ils ne peuvent rien par eux-mĂȘmes, ils s’en remettent Ă  Dieu et ne se prĂ©occupent pas d’ĂȘtre ou non des tĂ©moins, des modĂšles ou des objets de scandale la mort du curĂ© d’Ambricourt chez son ancien collĂšgue de sĂ©minaire, prĂȘtre dĂ©froquĂ©, malade vivant en concubinage avec une pauvre fille, son ancienne infirmiĂšre peut bien sembler dĂ©concertante aux yeux des bien-pensants, elle est le lieu oĂč le prĂȘtre accomplit pleinement sa vocation, oĂč il se rĂ©concilie » dĂ©finitivement avec lui-mĂȘme, avec cette pauvre dĂ©pouille » Journal d’un curĂ© de campagne, OR, p. 1258. Car Ce n’est pas l’épreuve qui dĂ©chire, c’est la rĂ©sistance qu’on y fait. Je me laisse arracher par Dieu ce qu’il voudrait que je lui donne. ... Certes, je n’ignore point que Dieu me veut tout entier, et j’ai toujours quelque chose Ă  lui dĂ©rober, je ruse avec lui risiblement. C’est comme si je voulais Ă©viter son regard, qu’il a si fermement posĂ© sur moi, pour toujours. Au premier signe de soumission, tout s’apaise. La douleur a retrouvĂ©, dedans, son Ă©quilibre » aoĂ»t 1918. En dĂ©finitive, nous sommes nous-mĂȘmes l’épreuve qu’il nous faut courir. Le curĂ© d’Ambricourt reconnaĂźt au moment de sa mort Il est plus facile que l’on croit de se haĂŻr. La grĂące est de s’oublier. Mais si tout orgueil Ă©tait mort en nous, la grĂące des grĂąces serait de s’aimer humblement soi-mĂȘme, comme n’importe lequel des membres souffrants de JĂ©sus-Christ » Journal, OR, p. 1258. Ces propos rejoignent ceux des Enfants humiliĂ©s, Ă©crits presque en mĂȘme temps La difficultĂ© n’est pas d’aimer son prochain comme soi-mĂȘme, c’est de s’aimer assez pour que la stricte observation du prĂ©cepte ne fasse pas tort au prochain » EEC, t. I, p. 827. Contre l’épreuve que nous sommes Ă  nous-mĂȘmes, il n’est d’autre remĂšde, pour Bernanos, que de s’en remettre Ă  Dieu de toute chose, en Ă©vitant Ă  tout prix le mĂ©pris, en ne comptant jamais que sur cette espĂšce de courage que Dieu dispense au jour le jour, et comme sou par sou » Dialogues, OR, p. 1652. Qu’importent alors les changements, les imprĂ©vus, les humiliations de toutes sortes, les choix crucifiants
 L’important est d’avancer, toujours. Les pages de Bernanos sur la beautĂ© de la route dans Monsieur Ouine en disent quelque chose Qui n’a pas vu la route Ă  l’aube, entre ses deux rangĂ©es d’arbres, toute fraĂźche, toute vivante, ne sait pas ce que c’est que l’espĂ©rance » OR, p. 1409, pense Philippe. Et cette route le pousse Ă  s’interroger sur l’importance du jour prĂ©sent “Pourquoi pas demain ? Demain, il serait trop tard. L’occasion perdue ne se retrouvera pas. À vingt-quatre heures prĂšs, se dit-il avec ivresse, on perd sa vie.” Et certaine voix caressante jamais entendue, aussi terrible dans ce matin clair que l’image de la voluptĂ© sur un visage d’enfant, soupire indĂ©finiment “Perds-la ! perds-la !” Certaine phrase, lue quelque part il ne sait oĂč, hĂ©las ! va et vient dans sa mĂ©moire avec la rĂ©gularitĂ© d’un battant d’horloge. “Qui veut sauver son Ăąme la perdra
 qui veut sauver son Ăąme
 qui veut sauver
” Zut ! » Monsieur Ouine, OR, p. 1408-1409. Philippe renonce pourtant. Blanche de la Force, la petite sƓur Blanche de l’Agonie du Christ », qui rappelle Jeanne relapse et sainte », semble dans un premier temps assez semblable dĂ©sespĂ©rant de pouvoir surmonter sa peur, elle abandonne sa communautĂ© et fuit au chĂąteau de son pĂšre. Lorsque MĂšre Marie vient la chercher, lui rappelant le vƓu de martyre qu’elle a prononcĂ©, Blanche se rĂ©fugie dans sa peur et dans le mĂ©pris qu’elle inspire. Mais le malheur 
 n’est pas d’ĂȘtre mĂ©prisĂ©e, mais seulement de se mĂ©priser soi-mĂȘme », lui rappelle la religieuse, car cela incite Ă  toutes les dĂ©missions et ouvre la porte au dĂ©sespoir, qui ferme, lui, tout avenir. Blanche, comme Jeanne, reviendra sur le moment de lassitude, de peur, de faiblesse, qui lui fit renoncer un temps non seulement Ă  la parole donnĂ©e mais Ă  la vĂ©ritĂ© qu’elles entrevoyaient. La derniĂšre Ă  l’échafaud », elle reprendra la priĂšre des carmĂ©lites guillotinĂ©es et, s’offrant d’elle-mĂȘme au bourreau, portera leur priĂšre Ă  son terme. Elle assumera alors, sans trop savoir comment, le don de la fidĂ©litĂ© d’une autre. Car la fidĂ©litĂ© au don de l’enfance, au don tout court, est essentielle non seulement pour soi mais pour autrui. Il faut voir lĂ  une consĂ©quence de la Communion des saints, dogme essentiel pour Bernanos. De mĂȘme que nous pouvons prier les uns Ă  la place des autres » Dialogues des carmĂ©lites, OR, p. 1586, de mĂȘme [o]n ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou mĂȘme les uns Ă  la place des autres, qui sait ? » Dialogues, OR, p. 1613. La vie nous engage donc bien au delĂ  de ce que nous pourrions imaginer ou apprĂ©hender. C’est pourquoi il est essentiel, aux yeux de Bernanos, d’y faire tout son possible, dans le domaine qui est le nĂŽtre, Ă  la place oĂč Dieu nous a mis » d’autres, dont nous ne saurons peut-ĂȘtre jamais rien ici-bas, dĂ©pendent de notre fidĂ©litĂ©. Son engagement littĂ©raire, sa fidĂ©litĂ© Ă  sa vocation naissent de cette conviction. Qui ne dĂ©fend la libertĂ© de penser que pour soi-mĂȘme, en effet, est dĂ©jĂ  disposĂ© Ă  la trahir. Il ne s’agit pas de savoir si cette libertĂ© rend les hommes heureux, ou si mĂȘme elle les rend moraux. 
 Il me suffit qu’elle rende l’homme plus homme, plus digne de sa redoutable vocation d’homme, de sa vocation selon la nature, mais aussi de sa vocation surnaturelle » La France contre les robots, EEC, t. II, p. 989. Je ne me sens pas du tout la conscience du monde », explique Bernanos Ă  la fin des Enfants humiliĂ©s. Mais c’est assez dire que la petite part de vĂ©ritĂ© dont je dispose, je l’ai mise, ici, Ă  l’abri des menteurs. S’il ne dĂ©pendait que de moi, je voudrais l’enfouir encore plus profond, car c’est Ă  elle que je tiens 
. J’ai reçu ma part de vĂ©ritĂ© comme chacun de vous a reçu la sienne, et j’ai compris trĂšs tard que je n’y ajouterai rien, que mon seul espoir de la servir est seulement d’y conformer mon tĂ©moignage et ma vie. Peu de gens renient leur vĂ©ritĂ©, aucun peut-ĂȘtre
 ils se contentent de la tempĂ©rer, de l’affaiblir, de la diluer. “Ils mettent de l’eau dans leur vin”, comme cette expression populaire me paraĂźt juste, profonde ! Mais elle ne convient pas Ă  toutes les espĂšces de trahisons envers soi-mĂȘme. 
 Je comprends de plus en plus que je n’ajouterai rien Ă  la vĂ©ritĂ© dont j’ai le dĂ©pĂŽt, je ne pourrais m’en donner l’illusion. C’est moi-mĂȘme qui devrais me mettre Ă  sa mesure, car elle Ă©touffe en moi, je suis sa prison, et non pas son autel » EEC, t. I, p. 901-902. Son journal des derniĂšres annĂ©es, son agonie et sa mort À nous deux ! » lui lança-t-il au dernier moment tĂ©moignent de la fidĂ©litĂ© avec laquelle il chercha Ă  se rendre adĂ©quat Ă  cette vĂ©ritĂ©. Bibliographie Georges Bernanos, ƒuvres romanesques, PlĂ©iade, 1962, 1992 Essais et Ă©crits de combat, t. I, PlĂ©iade, 1971, 1988 t. II, PlĂ©iade, 1995 Correspondance inĂ©dite, t. I et II, Plon, 1971 t. III, Plon, 1983 Le CrĂ©puscule des vieux, Gallimard, NRF, 1956 Jean-Loup Bernanos, Georges Bernanos Ă  la merci des passants, Plon, 1986
CartonnagesBONET - PRASSINOS Un ensemble de 20 volumes : ALAIN : propos d'un Normand ALAIN : Entretiens au bord de la mer. APOLLINAIRE : le poÚte assassiné. BERNANOS : Lettre aux Anglais. EO. BOSCO : Antonin EO BOSCO : les Balesta. reliure toilée EO. BOSCO : Monsieur Carre-Benoit à la campagne. CALDWELL : la route du tabac. CALDWELL : Bagarre de juillet
Dans le cadre d'un colloque au sanctuaire de Pellevoisin Indre intitulĂ© "Bernanos la jeunesse, espĂ©rance et saintetĂ©" qui se tient Ă  l’occasion du soixante-dixiĂšme anniversaire de la mort de l’écrivain, Henri Quantin expose l’esprit d’enfance chez l’auteur de "Mouchette " la fidĂ©litĂ© Ă  l’enfant qu’on a Ă©tĂ© consiste Ă  ne pas faire taire cet appel de l’"esprit d’hĂ©roĂŻsme", Ă  rĂ©sister par-dessus tout au le portefeuille d’un mort n’est pas toujours crapuleux et peut ĂȘtre instructif. Que trouve-t-on dans celui de Bernanos ? De l’argent ? Il n’en eut pas beaucoup et chercha toute sa vie, du Paraguay Ă  la Tunisie, un royaume oĂč la finance n’étoufferait pas sa famille. Une carte de parti politique ? Impensable ! Lui qui voulait faire ronfler [s]a fronde aux naseaux morveux du bƓuf gras de la droite », refusait du mĂȘme Ă©lan que la gauche lui tape sur le ventre comme si nous avions violĂ© ensemble les bonnes sƓurs de Barcelone, ou fait ensemble nos petits besoins dans les ciboires ». Le portefeuille rassurera-t-il au moins le dĂ©mocrate-chrĂ©tien en livrant une carte d’électeur ? Nouveau chou blanc ce royaliste du Royaume de Dieu estimait que le vote rĂ©publicain pourrait ĂȘtre remplacĂ© sans dommage par un tirage Ă  la courte-paille. Le plus instructif sera-t-il donc ce qui manque ? Les espaces vides suggĂšrent de fait la luciditĂ© de Bernanos vis-Ă -vis de toutes les idoles de son temps et du nĂŽtre l’argent, les idĂ©ologies, la dĂ©mocratie aussi Bernanos, les hommes libres et Nos amis les saints »L’hommage de la Vierge rouge »Pourtant, le contenu de ce portefeuille rĂ©vĂšle aussi ce que l’auteur des Grands cimetiĂšres sous la lune voulut garder jusqu’au bout contre son cƓur une lettre de Simone Weil, Ă©crite dix ans plus tĂŽt, en 1938, pendant la Guerre d’Espagne Je ne puis citer personne, hors vous seul, qui Ă  ma connaissance, ait baignĂ© dans l’atmosphĂšre de la guerre espagnole et y ait rĂ©sistĂ©. Vous ĂȘtes royaliste, disciple de Drumont — que m’importe ? Vous m’ĂȘtes plus proche, sans comparaison, que mes camarades des milices d’Aragon — ces camarades que, pourtant, j’aimais. »Beau compliment fait Ă  un ancien camelot du Roi par une vierge rouge » d’origine juive qu’un rapport de police qualifia de moscoutaire militante » ! Étendons l’éloge et voyons en Bernanos un rĂ©sistant Ă  tous les bains, affreusement glacĂ©s ou langoureusement tiĂšdes, oĂč il fĂ»t plongĂ©. Son gĂ©nie est d’avoir menĂ© tous les combats de son siĂšcle sans jamais sombrer ni dans la haine du guerrier assoiffĂ© de sang, ni dans l’embourgeoisement de l’ancien combattant. C’est un homme qui fait face, parce qu’il n’oublie jamais de contempler la sainte Face, un prophĂšte qui lutte dans les mĂȘlĂ©es du monde qui passe, mais toujours en tĂ©moin de ce qui demeure. Prisonnier de la sainte agonie », c’est un esprit libre au milieu des partisans de tout poil, qui tentĂšrent en vain de l’enrĂŽler sous leurs banniĂšres, mais qui ne purent se l’annexer qu’aprĂšs sa qui a rĂ©sistĂ©Bernanos, l’homme qui a rĂ©sistĂ©. RĂ©sister, plutĂŽt que faire de la rĂ©sistance », formule qui sent un peu son papy ». Il y a des rĂ©sistants de la derniĂšre heure. Bernanos, lui, rĂ©siste avant, pendant et aprĂšs la guerre. Il n’a pas la naĂŻvetĂ© de croire qu’il suffit de dĂ©noncer le mal d’un camp pour ĂȘtre un homme de Bien. En 1937, il rĂ©siste Ă  l’aveuglement clĂ©rical qui donnait raison sans examen aux Ă©vĂȘques espagnols bĂ©nissant la supposĂ©e croisade franquiste, comme d’autres ont soutenu — soutiennent encore ? — des prĂȘtres pĂ©dophiles. En 1945, il rĂ©siste de mĂȘme Ă  une paix trompeuse livrant le monde aux machines. Alors que d’autres fĂȘtent encore le progrĂšs qui libĂšre, il pressent la naissance d’un nouvel asservissement, dĂ©sormais fondĂ© sur l’informatique et l’information. Dans le monde qui vient, note-t-il gĂ©nialement, on sera au courant de tout et on ne comprendra rien. Au milieu de l’euphorie collective, il est un des seuls Ă  oser la question la LibĂ©ration, pour quoi faire ?Lire aussi Georges Bernanos, l’éternel Ă  bras-le-corpsLe chrĂ©tien Bernanos sait en outre que le Mal n’attaque pas que la civilisation, mais qu’il ronge tout homme comme un cancer sournois. La leçon unique de ce soldat du Christ est de se battre avec la mĂȘme passion sur deux champs de batailles surnaturels les conflits guerriers et politiques du siĂšcle, les luttes intĂ©rieures oĂč les assauts du Malin ne sont pas moindres. D’oĂč cette clĂ© de lecture qu’il donne en passant au pĂšre Bruckberger Mouchette, c’est la guerre d’Espagne. »FidĂ©litĂ© Ă  l’enfanceComment comprendre ce rapprochement entre un conflit mondial et un personnage romanesque, une jeune fille Ă©prise d’absolu qui se suicide ? Il s’agit tout simplement des deux faces d’une mĂȘme trahison, dont la victime est toujours l’enfant trahison de l’enfance de l’Europe que fut une chrĂ©tientĂ© chevaleresque, lorsque la guerre n’était pas encore une arme de destruction massive anonyme ; trahison de l’enfance de tout homme, cet Ăąge du refus du compromis avant les petits arrangements d’adultes avec la vĂ©ritĂ©. Qu’importe ma vie ! Je veux seulement qu’elle reste fidĂšle Ă  l’enfant que je fus. » Pour la France comme pour un homme, tout est dans la fidĂ©litĂ© aux promesses bien on est Ă  des annĂ©es-lumiĂšre de l’infantilisme bĂȘtifiant d’un PrĂ©vert. L’enfance d’un homme n’est pas une fuite dans le merveilleux gentillet, elle est le moment de l’émergence d’une possible vie intĂ©rieure Il est rare qu’un enfant n’ait pas eu, ne fĂ»t-ce qu’à l’état embryonnaire — une espĂšce de vie intĂ©rieure, au sens chrĂ©tien du mot. Un jour ou l’autre, l’élan de sa jeune vie a Ă©tĂ© plus fort, l’esprit d’hĂ©roĂŻsme a remuĂ© au fond de son cƓur innocent. Pas beaucoup, peut-ĂȘtre, juste assez cependant pour que le petit ĂȘtre ait vaguement entrevu, parfois obscurĂ©ment acceptĂ©, le risque immense du salut, qui fait tout le divin de l’existence humaine. Il a su quelque chose du bien et du mal, une notion du bien et du mal pure de tout alliage, encore ignorante des disciplines et des habitudes sociales. »Lire aussi Les cinq ouvrages de Georges Bernanos Ă  lire absolumentLa fidĂ©litĂ© Ă  l’enfant qu’on a Ă©tĂ© consiste Ă  ne pas faire taire cet appel de l’ esprit d’hĂ©roĂŻsme », Ă  ne pas rebrousser chemin devant ce risque immense du salut ». Rien Ă  voir avec un jeunisme dĂ©magogique. L’enfance n’est pas le passĂ© rĂ©gressif de l’homme ; elle est l’appel de la saintetĂ© jusqu’à l’agonie. Malheureux l’homme qui croit que son enfance est derriĂšre lui. Malheureux ceux qui ont bĂąillonnĂ© l’enfant qui criait en eux Combien d’hommes n’auront jamais l’idĂ©e de l’hĂ©roĂŻsme surnaturel, sans quoi il n’est pas de vie intĂ©rieure ! Et c’est justement sur cette vie-lĂ  qu’ils seront jugĂ©s. [
] Alors dĂ©pouillĂ©s par la mort de tous ces membres artificiels que la sociĂ©tĂ© fournit aux gens de leur espĂšce, ils se retrouveront tels qu’ils sont, qu’ils Ă©taient Ă  leur insu — d’affreux monstres non dĂ©veloppĂ©s, des moignons d’hommes. »RĂ©sister par-dessus tout au dĂ©sespoirL’hĂ©roĂŻsme d’un homme est de ne pas humilier l’enfant qu’il fut. Pour cela, il lui faut rĂ©sister Ă  bien des hommes mĂ»rs, y compris et surtout Ă  celui qu’il est par-dessus tout, Ă  la tentation du dĂ©sespoir, ce dĂ©mon de l’à quoi bon ? » que Bernanos entendait jusqu’à l’angoisse, comme Ă©crivain et comme chrĂ©tien, comme l’entendent aussi tous les personnages de ses romans, de Mouchette au curĂ© de campagne. Car l’espĂ©rance n’est pas un optimisme, mais un dĂ©sespoir surmontĂ©. Pour celui qui a une vie intĂ©rieure, l’existence n’est rien d’autre que ce combat pied Ă  pied avec l’angoisse, qui commence dĂšs les premiĂšres annĂ©es d’une vie Une fois sortie de l’enfance, il faut trĂšs longtemps souffrir pour y rentrer, comme tout au bout de la nuit on retrouve une autre aurore. »Bref, l’enfant est Ă  la fois la promesse d’éternitĂ© de l’homme et son meilleur rempart contre lui-mĂȘme. Rempart, et non garde-fou, car il faut beaucoup de jeunes fous pour faire un peuple hĂ©roĂŻque ». Le monde n’a pas besoin d’hommes sages qui conservent, ces moignons conservateurs, mais d’enfants fous qui Bernanos la jeunesse, espĂ©rance et saintetĂ© »,Sanctuaire de Pellevoisin, 17 novembre 2018, 20h 45. RĂ©servation et renseignements.
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